C'est tout sauf un rencart 2 [Feat Léopold]

Partie 1:

Une fois dans la salle dont l'air chaud me fait déjà frémir, je regarda rapidement autour de moi. L'ambiance est sourde, la salle presque vide encore. Je m'avance un peu dans les rangées, où voudrait-il s'asseoir ? Au milieu sans doute, il a l'air de ne pas aimer les extrêmes donc ni l'avant ni l'arrière. Mais juste au milieu, ça ferait bizarre. Peut-être un rang en arrière ? Je recule d'un pas et regarde la rangée. Là, ça me semble bien... il y a un siège double... Je me mords un peu la lèvre et recule encore d'une rangée, celle-ci ne comporte que des sièges simples. Si il demande pourquoi je n'ai pas choisi ça je dirais que je ne les avais pas vu, ce sera beaucoup moins gênant que de m'y installer. Je souris un peu, fier de mon raisonnement, et m'assoie enfin, vers le milieu. Juste derrière le siège double, parce que je suis relativement idiot et complètement illogique, en gros. Je me décale un peu sur la gauche, histoire de faire comme si mon excuse était plus plausible comme ça.

Lorsque j'entre dans la salle, elle n'est que partiellement remplie et principalement par des enfants (Disney oblige). J'aurais peut-être pas dû le stresser avec les places: après tout ça fait un moment que le film est sorti...  
Je sonde la salle du regard et l'aperçois près du centre. L'emplacement idéal, bien joué Merry! Je m'approche rapidement en faisant un signe de main pour qu'il me remarque.
  
"Bon, j'ai pris sucré parce que... Enfin... A-t-on vraiment besoin de justifier le choix du sucre? Ahaha! Et j'ai pris un grand parce que si tu ne finis pas, crois bien que je m'en ch...."
 
Je m'interromps en remarquant une banquette sur le rang suivant, à deux pas de nous. Comment as-t-il pu la louper? Ce sont les places les plus confortables et elles ne sont pas encore prises, on a vraiment de la chance!
 
"Regarde! Y a un siège double juste devant! Faut vite qu'on le prenne avant que quelqu'un ne le fasse, lève-toi!"
 
Joignant le geste à la parole, le glisse notre pot de popcorn dans l'accoudoir de la banquette et saute la rangée en entraînant Merry par la main, sans même lui laisser le temps de me répondre.

A peine arrivé, il bouscule toutes mes certitudes sur la vie sociale. Je me redresse à peine que je tombe la tête la première sur la banquette devant nous. Battant des jambes un instant pour paraître "humain" je finis par reprendre mes réflexes. Une torsion habile de ma colonne vertébrale, je glisse sur le côté et me voilà assit. Pendant mon séjour à l'hôpital, les médecins ont comparés des radios de ma colonne vertébrale avec celle d'un renard. Vu leur expression, ce qu'ils ont vu ne devait pas être habituel. Je relève la tête vers lui, décoiffé pour de bon.

"Tu sais, normalement, on évite de faire tomber les gens..."

Tordant mon corps dans diverses positions pour trouver la plus confortable - c'est à dire adossé entre le dossier du siège et l'accoudoir pour à la fois voir l'écran et faire face à mon interlocuteur- je lui rétorque:
 
"Je ne te croyais pas du genre à te conformer aux définitions traditionnelles de la normalité..."
 
Je lui lance un regard de défi tout en plaçant le grand "seau" de popcorn entre nous pour qu'il puisse y avoir accès puis continue:
 
"Mais peut-être me suis-je trompé...?"
 
Je conclue en engouffrant une large portion me maïs soufflé (et sucré) entre mes crocs luisants.

Je le fixe un instant puis arbore une ravissante moue butée.

- Pas du tout, Monsieur ! Sachez que je n'ai que faire des normes sociales ! Je me ris des normes sociales !

Et d'ajouter, non sans rougir, un rire de Simba le lionceau devant un crâne d'éléphant. Grande honte, oui, à mon âge, mais je sais que lui ne m'en tiendra jamais rigueur.

"Je n'en attendais pas moins de toi!"
 
Je ne peux retenir un rire face à cette répartie: Sacré Merry!  Je m'enfonce un peu plus dans le siège tandis que la lumière commence à se tamiser. C'est définitivement la meilleure place... En prévision du moment où je risque de me casser la figure en me levant, je me penche négligemment pour glisser mon sac à dos sous le siège. 
 
Et là, c'est le drame. 
 
Un léger *pof*. 
 
...
 
C'est le son que fait ma casquette en heurtant la moquette, libérant ainsi l'aberration colorée savamment maîtrisée en une queue de cheval ridicule qui trône à l'arrière de mon crâne. Pourquoi Dieu me hait déjà?

Je pose mon regard sur lui avec un sourire amusé et hésite un peu, mais je fini par me dire que de toute façon, puisque je l'ai vu, autant parler.

- Je veux pas t'alerter, mais t'as perdu quelque chose.

En tailleur sur mon siège, mes mains sur mes chevilles, je me permet même un petit rire discret qui tout à fait entre nous n'est pas discret, il en est même assez loin. Aussi loin que d'être masculin par ailleurs.

"Oui, il semblerait..."

Dis-je, d'un ton entre gêné et vexé. En même temps on ne peut pas toujours faire preuve d'une répartie infaillible ...

J'attrape ledit couvre chez et le replace sur ma tête en commençant par l'arrière pour éviter que la queue de cheval ne dépasse. Je me redresse et glisse habilement les quelques cheveux rebelles toujours en liberté dans la casquette. Je ne prend pas souvent soin de mon apparence mais, quand je le fais, je suis perfectionniste.
Je finis par me rasseoir à ma place initiale, regrettant amèrement mon projet "d'anticipation de catastrophe".

Je le regarde un peu curieusement, assez surpris qu'il prenne ça autant à coeur. Doucement, je dépose ma main sur son bras, pour attirer son attention et lui montrer que, finalement, je ne suis pas sans coeur et capable de faire preuve d'empathie.

- Heum... Tu sais, moi ça me va sans la casquette et puis... On s'en fiche non ? Enfin, je crois. Je sais que je t'avais fait un commentaire assez acerbe la première fois mais j'étais totalement perdu, de mauvaise humeur, et carrément flippé. Mais je le pensais pas vraiment quoi... Il fallait juste que je trouve un truc pour... heum... Détourner la conversation de tout commentaire que tu aurais pu me faire. Ce qui était très égoïste, je sais bien, mais enfin... On va dire qu'à la base, de toute façon, je suis très égoïste hein, c'est le problème avec les caves : on a pas l'habitude de partager ce qu'on a, et encore moins de devoir faire attention à ce qu'on fait. Bref ! Je sais que ça a rien à voir mais... heu... Bah mais rien. J'avais aucune raison de te dire ça... Du coup je te l'ai pas dit, d'accord ? Dans les films ça marche, donc tu oublies.

Je lui offre mon sourire le plus courageux, en espérant que ça suffise à tout effacer.

Je dégage délicatement mon bras de son emprise et, cherchant une justification à mon comportement, plonge ma main dans le seau de popcorn. Je suis toutefois un peu perturbé par ses propos et, oubliant volontier la partie sur mon drame capillaire et ses réflexions à ce propos lors de notre rencontre,  je bloque sur la suite. La curiosité l'emportant sur la bienséance je me lance:

"Pas d'"oublie" qui tienne, cette histoire de cave a bien trop attisé ma curiosité pour que je laisse couler! Il va falloir te mettre à table mon petit Merry..."

Je termine cette phrase en enfournant une large portion de popcorn dans ma bouche.

Je le fixe un instant et regarde vaguement autour de moi... "me mettre à table"...? D'accord. C'est sans doute un expression. Je plante de nouveau mon regard sur lui, encore un sourire puis j'enchaîne le plus naturellement du monde :

- Non, le film va commencer, c'est long, inintéressant et franchement... tout le monde s'en moque !

Cette phrase aurait été parfaite si l'écran s'était allumé pour confirmer mes dires, mais il me faut attendre encore quelques secondes pour que ça se produise.

Je retrouve finalement mon sourire habituel: si il ne veut pas en parler maintenant, je ne vais pas le forcer. Je n'aurais d'ailleurs peut être pas dû être aussi indiscret. *Mais je finirai bien par obtenir des réponses tôt ou tard...*
Je pose mon regard sur lui quelques secondes et plisse les yeux en souriant de plus belle.

" Je doute que quoi que ce soit chez toi soit inintéressant, mais je vais me satisfaire de cette réponse pour l'instant: un Disney c'est sacré donc déprime et discussion non désirées interdites!"

Je le regarde encore un instant puis je souris, venant plaquer un léger baiser sur sa joue en signe de reconnaissance.

- Merci, vraiment.

Je m'installe confortablement, ramenant mes jambes contre moi, puis je prend un grain de pop-corn que je dépose prudemment sur ma langue. Oui... C'est vrai que c'est assez bon. Rassuré, j'en mange un autre dans la foulé.

Je le regarde du coin de l'oeil, assez surpris par sa soudaine... aisance? Mais décide de ne pas réagir. Il fait d'ailleurs de même en s'attaquant au popcorn comme s'il en voyait pour la première fois. *Peut-être est ce la première fois?* Il y a définitivement un truc louche avec lui, et ce n'est apparemment pas en posant des questions directes que je vais obtenir des réponses. Il va falloir creuser, fouiller, enquêter: j'adore ça!
Je replace ma casquette à la manière d'un Sherlock Holmes moderne et lui adresse un large sourire, sachant qu'il n'a aucune idée de ce que j'ai derrière la tête.
La salle s'assombrit encore davantage et l'écran s'allume avant de lancer les réclames.